Plantes dangereuses…

C’est le 4 septembre 2020 qu’un arrêté gouvernemental est sorti du journal officiel. A partir de juin 2021, une bonne centaine de plantes devront porter l’indication de leur dangerosité. Qu’elles soient allergènes, toxiques par ingestion ou par contact, ces végétaux porteront clairement cette mention sur l’étiquette. Cette nouvelle réglementation sécuritaire en dit long sur notre société. D’un côté nous réclamons plus de contrôles et de préventions, de l’autre nous nous rebellons chaque fois qu’un décret « liberticide » voit le jour ! Analyse …

Pour ceux qui n’étaient pas au courant, voici le lien afin d’en savoir plus : https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000042325453/

Comme vous aurez pu le lire, cet arrêté attendu par le monde de la pépinière n’est pas une surprise. Nous avions déjà, en magasin, le retour des vendeurs nous indiquant l’inquiétude des consommateurs face à la dangerosité des plantes en particulier pour les enfants et les animaux domestiques. Alors c’est vrai, on ne va pas se mentir, certaines plantes sont bien dangereuses. C’est le cas du laurier-rose, par exemple. N’essayez pas d’en faire une salade pour offrir à vos concurrents. La feuille est dure, certes, mais d’efficacité redoutable.



On pourrait, à première vue, se demander pourquoi légiférer sur un produit sans grand danger comme le végétal. Après tout, on ne va pas mettre les couteaux de cuisine sous clé ou indiquer sur une étiquette qu’ils sont coupants et qu’ils peuvent trancher une carotide ? Ben non ! Et pourtant. Dans le métro, on vous indique qu’il faut retirer ses doigts si la porte se ferme. Sur l’autoroute, on met des sens interdits pour éviter de prendre la voie dans l’autre sens. Et comme le ridicule ne tue pas… ou peu… Les décisions administratives se sont succédées dans l’histoire. Certaines sont encore en vigueur comme cet arrêté des années 1950 qui interdit aux OVNI de se poser à Châteauneuf du Pape. A Laigneville, dans l’Oise, pour alerter sur les difficultés à trouver un médecin dans la région, le conseil municipal de l’époque à interdit aux habitants de mourir chez eux !

Mais rassurez-vous, ce n’est pas mieux ailleurs.
Au Japon, le surpoids est surveillé de près et la loi dite «Metabo» qui date de 2008 permet de contrôler le tour de taille des employés lors de la visite médicale annuelle.
Si vous habitez en Allemagne, vous êtes tenu d’avoir obligatoirement un bureau avec vue sur le ciel. A Liverpool en Angleterre, toutes les femmes ont le droit de travailler seins nus sauf si elles sont employées dans un magasin de poissons tropicaux… Ah ben oui, ça change tout !
On passe rapidement sur le New Jersey qui interdit de faire du bruit en mangeant sa soupe et l’état du Tennessee qui interdit formellement de pêcher avec un lasso.
Bien sûr, toutes ces lois et ces arrêtés doivent avoir une histoire pour conduire les élus à s’aventurer sur des terrains aussi ludiques…
Mais revenons à nos plantes. Si des préventions ou des interdictions pareilles existent, c’est tout simplement à cause de 2 raisons principales.
La première, c’est l’aventure ! Cette qualité humaine qui existe depuis des millénaires et qui nous pousse à tester, essayer ou chercher à accomplir des folies… Juste pour voir. L’indication d’un laurier-rose toxique n’est pas pour le pépiniériste qui connait la dangerosité de ses plantes. L’indication est destinée au grand public qui ne croit plus que ce qu’il voit, et testerait bien une nouvelle salade, histoire de rigoler. Ajoutez à cela une petite fake-new sur les réseaux pour dire que le laurier est tellement bon à cuisiner, et on se retrouve responsable vis-à-vis de nos clients !



La seconde raison, c’est tout simplement la méconnaissance du monde végétal. Nous avions auparavant, un peu comme les animaux sauvages, cette faculté à sentir le danger et à reculer en l’absence de connaissance. Aujourd’hui, ce réflexe vis-à-vis du végétal a disparu. Et ça ne va pas s’améliorer dans les années à venir. Certes, nous aimons le jardin, nous aimons de plus en plus la compagnie des plantes, mais nous sommes de moins en moins capables de les connaître ou de les reconnaître. Alors pour ce qui est de leur toxicité, là… On oublie. Il faudra bientôt préciser que les cactus piquent et qu’il est préférable de les empoigner avec des gants. Le bon sens disparait progressivement au profit de la réglementation. Finalement, ces arrêtés sont à l’image de notre société et de nos attentes…
La sécurité avant tout !

Roland MOTTE